Comprendre l’indivision immobilière
En France, l’indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes détiennent ensemble un bien immobilier, sans division matérielle. Chaque indivisaire possède une quote-part du bien, exprimée en pourcentage. Cette situation survient fréquemment à la suite d’une succession, d’une donation familiale ou d’un achat commun.
Sous le prisme fiscal, cette forme de détention présente des spécificités notables. L’indivision n’est pas une structure juridique dotée de la personnalité morale : ce sont les indivisaires, pris individuellement, qui sont imposés au prorata de leur part. Toutefois, il existe des leviers pour optimiser la fiscalité d’un bien détenu en indivision, à la fois pour la gestion courante de l’immeuble et pour anticiper la sortie d’indivision.
La fiscalité applicable à un bien en indivision
Les revenus générés par un bien en indivision – loyers, fermages – sont imposés au niveau de chaque indivisaire, en fonction de sa quote-part. Ils doivent être intégrés dans la déclaration des revenus fonciers (ou au régime micro-foncier si les conditions sont réunies). Il n’existe pas de déclaration fiscale individuelle propre à la structure indivise, sauf en cas d’indivision volontaire déclarée comme tel au service des impôts.
Les impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation le cas échéant) sont adressés à l’un des indivisaires, mais chacun demeure responsable à hauteur de ses droits. Quant à la plus-value immobilière en cas de vente, elle est également imposable au nom de chaque indivisaire pour sa fraction de la propriété.
Mal gérée, l’indivision peut entraîner des charges supplémentaires, un gel du patrimoine et une complexité fiscale. Ces éléments peuvent pourtant être anticipés et réduits grâce à certains outils ou choix juridiques.
Rédiger une convention d’indivision pour sécuriser la gestion
Le Code civil permet aux parties de conclure une convention d’indivision. Cette convention encadre les modalités de gestion du bien, répartit les charges et précise les droits de chaque copropriétaire sur l’usage du bien ou la perception des loyers. Sur le plan fiscal, elle évite notamment certaines requalifications, notamment lorsque l’indivision sert à générer un revenu locatif régulier.
La convention peut prévoir la désignation d’un gérant, chargé de la gestion administrative, et détaille la prise en charge des dépenses (travaux, taxe foncière, frais d’assurance). Cette clarté permet une répartition équitable des revenus et charges à intégrer dans les déclarations d’impôt, tout en minimisant les risques de litige.
Par ailleurs, elle peut fixer une durée, généralement de cinq ans renouvelable, ce qui sécurise la détention du bien et permet une planification fiscale plus aisée sur le moyen terme.
Optimiser les revenus locatifs en indivision
Lorsque le bien génère des revenus locatifs, il est déterminant d’opter pour un régime fiscal adapté. Deux principaux régimes s’offrent aux indivisaires :
- Le micro-foncier : si les revenus bruts fonciers de l’ensemble des biens immobiliers d’un indivisaire – hors dispositifs fiscaux spécifiques – sont inférieurs à 15 000 € par an, il peut bénéficier de ce régime simplifié. Un abattement forfaitaire de 30 % est appliqué, sans possibilité de déduire les charges réelles. Ce régime est intéressant si les charges sont faibles.
- Le régime réel : en cas de charges importantes (travaux, intérêts d’emprunt, frais de gestion), ce régime permet de les déduire des revenus locatifs. Il peut générer un déficit foncier imputable sur le revenu global dans certaines conditions (jusqu’à 10 700 € par an).
Dans une indivision, chaque indivisaire a la liberté de choisir le régime fiscal applicable à sa déclaration personnelle. Toutefois, cela requiert une coordination entre les indivisaires pour éviter des incohérences dans les déductions et les revenus déclarés.
Recourir à la SCI pour sortir de l’indivision ou restructurer la détention
Une solution souvent évoquée pour sortir de l’indivision ou organiser plus efficacement la détention immobilière est la création d’une Société Civile Immobilière (SCI). Transformer l’indivision en SCI permet de réunir les droits des indivisaires au sein d’une structure juridique, facilitant la gestion, les cessions de parts et la transmission patrimoniale.
D’un point de vue fiscal :
- La SCI à l’impôt sur le revenu (IR) est fiscalement transparente. Les revenus et charges sont répartis selon la détention des parts et intégrés directement dans les déclarations fiscales des associés. Elle offre une flexibilité similaire à l’indivision, avec une gestion plus centralisée, encadrée par les statuts de la société.
- La SCI à l’impôt sur les sociétés (IS) ouvre l’accès à l’amortissement du bien immobilier. Elle permet également de déduire fiscalement plus largement certaines charges, mais entraîne aussi une taxation des plus-values selon le régime des plus-values professionnelles, souvent moins favorable que le régime des particuliers.
La création d’une SCI suppose des frais (rédaction des statuts, greffe, comptabilité annuelle) mais offre une réelle optimisation pour les biens générant des revenus significatifs ou appelés à rester dans le patrimoine familial.
Utiliser les mécanismes de démembrement pour optimiser la transmission
Dans une perspective de transmission patrimoniale, l’indivision peut être aménagée par des techniques de démembrement de propriété. Ainsi, un parent peut donner la nue-propriété de sa quote-part à ses enfants tout en conservant l’usufruit : une solution efficace pour anticiper la succession tout en continuant à percevoir les loyers.
Les avantages fiscaux du démembrement incluent :
- Une réduction de la base taxable lors de la donation : la valeur de la nue-propriété est calculée selon un barème fiscal déterminé par l’âge de l’usufruitier.
- Une neutralité fiscale en cas de réunion de l’usufruit et de la nue-propriété au décès de l’usufruitier. Dans ce cas, l’enfant récupère la pleine propriété sans coût fiscal supplémentaire.
- Une optimisation pour minimiser les droits de succession, tout en maintenant l’usage ou les revenus du bien côté parent.
Dans un cadre indivis, le démembrement peut être appliqué sur les droits indivis. Chaque quote-part peut être démembrée indépendamment, sous réserve d’accord entre les parties.
Réduction d’impôts et dispositifs fiscaux spécifiques
Les dispositifs de défiscalisation immobilière peuvent également s’appliquer aux biens détenus en indivision, sous certaines conditions. On retrouve notamment :
- Le dispositif Pinel : pour un bien neuf mis en location, chaque indivisaire peut bénéficier de la réduction d’impôt à hauteur de sa quote-part d’investissement.
- Le dispositif Denormandie : similaire au Pinel mais applicable dans l’ancien rénové, il nécessite de respecter des conditions précises de travaux et de localisation.
- Le régime du déficit foncier : en cas de dépenses de rénovation supérieures aux revenus fonciers, le déficit est imputable sur le revenu global (dans les limites prévues).
Dans tous les cas, les conditions d’éligibilité sont appréciées à l’échelle de l’indivisaire, et non de l’indivision en tant que structure. Une coordination étroite est donc nécessaire pour maximiser les avantages fiscaux.
Sortie d’indivision : fiscalité et stratégie
La cession des droits indivis ou la vente du bien commun génère généralement une imposition sur la plus-value immobilière. Chaque indivisaire calcule sa plus-value nette, en tenant compte de la durée de détention et des éventuelles exonérations (résidence principale, montant, régime social, etc.).
La sortie d’indivision peut aussi être taxée aux droits d’enregistrement si elle entraîne une redistribution de propriété au sein de l’indivision (exemple : rachat des parts par un indivisaire). Il est donc crucial d’anticiper les opérations, notamment via :
- La mise en place d’une SCI avant la cession effective.
- La transmission des droits à titre gratuit pour bénéficier d’abattements de donation.
- La vente partielle des droits à un tiers avec stratégie de réinvestissement.
Une projection fiscale préalable est recommandée avec un notaire ou un conseiller fiscal, pour arbitrer entre cession, conservation, démembrement ou apport en société.
Optimiser la fiscalité d’un bien détenu en indivision requiert donc une bonne compréhension des mécanismes juridiques et fiscaux applicables. Une gestion proactive permet à la fois d’alléger la facture fiscale, de préserver la cohésion entre les indivisaires et de valoriser le patrimoine sur le long terme.